AAC - Patrimoine en péril dans les zones rurales et montagneuses (XIXe-XXIe siècle)Colloque international
Du 2 avr. au 3 avr. 2026

Sous la direction de Viviane Delpech et Laurent Jalabert
Pau – Eaux-Bonnes, 2 et 3 avril 2026
Le colloque international Patrimoine en péril dans les zones rurales et montagneuses est organisé dans le cadre du programme de recherche POPSU Eaux-Bonnes (2023-2026) porté par le laboratoire ITEM de l’Université de Pau et des Pays de l’Adour et soutenu par le Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des Territoires (GIP Europe des Projets Architecturaux et Urbains), qui fait suite aux programmes TCV-PYR (UE FEDER - 2017-2021), PatrimPublic et PATMOS (Euro-Région Nouvelle-Aquitaine/Aragon – 2021-2022 et 2023-2024), consacrés au patrimoine de villégiature thermale et de montagne. Dans les pas des analyses pionnières de Bruno Foucart, Maurice Culot, Dominique Jarrassé, Bernard Toulier ou Jean-Michel Leniaud entre les années 1970 et 1990, les travaux récents ont largement démontré et en partie expliqué l’état alarmant de toute une typologie patrimoniale - liée au thermalisme - dans des territoires apparemment oubliés ou délaissés de l’action publique. Ce constat vient corroborer la situation plus connue mais tout aussi dramatique de l’architecture sacrée de ces mêmes zones géographiques qui témoigne autant des difficultés démographiques, financières, administratives ou politiques, auxquels ils sont confrontés. À partir de la situation notoire analysée en la station thermale des Eaux-Bonnes depuis plusieurs années, ce colloque s’intéresse donc à la problématique plus générale du patrimoine menacé, préoccupation constante depuis l’émergence de la notion moderne de patrimoine il y a plus de deux cents ans. La spécificité de cette manifestation est d’interroger les processus de conservation, de sauvegarde et de dégradation du patrimoine architectural et paysager au sein des territoires ruraux et montagneux, parce que, d’une part, ces zones sont peu étudiées dans le cadre de cette problématique, qui se focalise généralement sur les zones de guerre, les pays en voie d’industrialisation ou des monuments situés dans l’environnement urbain. Du moins, quand bien même les actions menées depuis le XIXe siècle incluent en grande partie les campagnes et les montagnes, ces dernières sont encore peu analysées en tant qu’environnement spécifique pour la conservation du patrimoine bien qu’elles en concentrent une grande partie. La réflexion sur ces grands espaces naturels est, d’autre part, particulièrement concernée par les évolutions sociétales et les enjeux actuels du changement climatique, ce qui complexifie d’autant plus la gestion et l’entretien du patrimoine bâti et paysager qui y est implanté. Cette manifestation scientifique vise en somme à interroger aussi bien les processus de patrimonialisation (construction/déconstruction) et leur lien avec le territoire et les identités culturelles, que le rapport entre la conservation matérielle du patrimoine et un milieu marqué par de fortes contraintes environnementales.
À l’échelle mondiale, la question du patrimoine en péril sous-tend depuis longtemps les travaux de l’UNESCO, de l’ICOM et de l’ICOMOS, particulièrement dans les zones géopolitiques et climatiques sensibles, dont sont publiées notamment les Listes rouges des biens culturels en danger (récemment celle de l’Ukraine) ou des rapports réguliers visant à alerter la communauté internationale sur la vulnérabilité des biens culturels ou les dommages qu’ils subissent. À l’échelle nationale, certains acteurs comme Urgences Patrimoine, la Fondation du Patrimoine ou Sites & Monuments attirent régulièrement l’attention sur le sujet, tous types d’environnement confondus, afin, à travers divers degrés d’actions, de préserver les témoins de la mémoire, les savoir-faire anciens et la valeur patrimoniale des paysages naturels et urbains. Le sujet se retrouve également au cœur de l’actualité médiatique lors d’évènements ponctuels spectaculaires, comme l’incendie de Notre-Dame de Paris puis sa réouverture, les feux ravageurs de la cathédrale de Nantes en 2020 ou de la Bourse de Copenhague en 2024, ou bien dans le cadre de chantiers polémiques menaçant l’intégrité patrimoniale comme le prêt au Royaume-Uni de la tapisserie de Bayeux ou la dépose des vitraux de Viollet-le-Duc à Notre-Dame. Les territoires ruraux et montagneux n’échappent guère à ces accidents ou controverses suscitant l’émotion collective, le dernier en date s’étant produit ce 15 octobre 2025 à Vichy avec l’incendie qui a dévasté l’Hôtel de la Paix et l’Hôtel des Princes.
L’intérêt envers le monde rural a pour sa part émergé en France ces dernières années dans le cadre d’actions liées à des politiques ministérielles, dont émane le programme national POPSU Territoires et le programme « Petites villes de demain », ou dans le cadre de réflexions menées par les acteurs de la conservation patrimoniale et des collectivités territoriales, comme l’illustre l’édition 2025 des Entretiens du patrimoine consacrée aux Patrimoines et territoires ruraux : question(s) d’avenir, dont la réflexion se déploie autour des concepts de ruralité, d’innovation et d’ingénierie auprès des collectivités. Cette préoccupation est en revanche sensiblement plus ancienne au-delà des frontières, comme en Espagne, où les programmes de recherche et de valorisation consacrés aux zones dépeuplées constituent des enjeux scientifiques et sociaux majeurs correspondant à un modèle particulier d’organisation territoriale et à un contexte spécifique de résilience historique. C’est aussi dans le cadre de ces réflexions d’actualité et de travaux antérieurs (notamment ceux de Jean-Yves Andrieux en Bretagne dès les années 1990) que s’inscrit la problématique du programme POPSU Eaux-Bonnes, en considérant que, par sa valeur tant matérielle que symbolique, le patrimoine peut constituer pour les territoires ruraux et montagneux un moteur d’attractivité et de revitalisation, d’autant plus lorsqu’il est menacé de disparition et représente paradoxalement un gisement à valoriser. Son état de conservation déplorable dans ces territoires résulte en effet d’une conjonction de facteurs socioéconomiques, politiques et environnementaux hérités des Trente Glorieuses, voire de périodes antérieures, entre crises économiques et sanitaires, déprise démographique, évolutions sociétales, conjoncture politique et transition écologique. Comme ailleurs, les dégradations, le manque d’entretien, les démolitions, ou encore la surexploitation touristique, entraînent des pertes irrémédiables, car la mémoire collective se voit ainsi amputée de supports physiques et de pans entiers de son histoire, indispensables au processus mémoriel comme le soulignait déjà l’abbé Grégoire en 1794. Ces actions, entraînant la disparition de témoins de la mémoire, représentent de surcroît d’importantes pertes socioéconomiques, puisque les édifices et sites menacés constituent un réel potentiel de réappropriation aux usages contemporains aussi bien que de transmission de l’histoire et de l’identité des lieux.
À cela s’ajoute la pression contextuelle de la transition climatique, où ces territoires sont en première ligne en raison de leur rapport intrinsèque à l’environnement naturel, lequel exerce de tous temps un rôle majeur sur les conditions physiques de création et de conservation du patrimoine bâti en fonction des saisons, de l’hydrographie ou encore de la géologie et de leurs interactions avec les matériaux. Les zones rurales et montagneuses polarisent désormais l’attention non seulement en raison des risques naturels accrus qu’elles impliquent mais également, à l’inverse, parce qu’elles représentent de possibles refuges climatiques et sanitaires témoins d’un nécessaire renouvellement des modes de vie. Ce colloque entend ainsi contribuer en outre à la réflexion sur la réappropriation de la montagne et de la campagne dans ce contexte de transition climatique et de profondes modifications des ressources en eau et interroger la place de l’humain au sein de la nature à partir de ses productions matérielles historiques qui l’ancrent dans un territoire. Ces préoccupations sont nécessairement prises en compte par le monde scientifique ces dernières années, comme l’illustrent entre autres les travaux sur le lien entre architecture et changement climatique, notamment le programme VIES porté par l’ENSA Paris-La Villette, l’ICOMOS et l’École des Hautes Études du ministère de l’Intérieur, avec par exemple une manifestation dédiée au Risque et résilience des territoires face au changement climatique célébrée en octobre 2025, ou bien le programme EAUTOUR – Eau, Tourisme et Changement climatique - porté par l’UMR TREE de l’Université de Pau entre 2019 et 2023.
Entre histoire de l’architecture et du patrimoine, conservation matérielle et histoire de l’environnement, c’est à la croisée de tous ces enjeux culturels, environnementaux, socioéconomiques et politiques que se déploiera la réflexion inédite de ce colloque, qui sera replacée dans une perspective internationale et diachronique en s’intéressant à toutes typologies architecturales et paysagères implantées dans un cadre géographique rural et/ou montagneux. La manifestation associera aussi bien les chercheurs (jeunes ou confirmés) que les acteurs de la conservation du patrimoine, les institutions et le monde socioéconomique, ainsi que le grand public, premier destinataire de la transmission de l’histoire. L’état des lieux de ce patrimoine précieux et diversifié, abordant aussi bien l’aspect historique et matériel que les projets et les réseaux d’acteurs impliqués, vise à contribuer à une prise de conscience sociale et politique de la valeur de cet héritage éloigné des grands centres urbains et, en tant qu’outil d’aide à la décision, à insuffler une dynamique de sauvegarde et de valorisation en cohérence avec les spécificités humaines et naturelles de ces territoires.
Aire géographique : Europe
Cadre chronologique : XIXe-XXIe siècle
Langues : français, espagnol, anglais
Pistes de réflexion (non exhaustives) :
Les contributions peuvent prendre la forme de monographies, d’études de cas, d’analyses comparatives ou de retours d’expériences, selon notamment les pistes suivantes :
- Matérialité :
- Monographies et études de cas à l’échelle de territoires, d’édifices ou de sites en contexte rural ou montagneux : états des lieux et diagnostics du patrimoine, leurs causes et leurs conséquences
- Typologies patrimoniales menacées en zones rurales et montagneuses : architecture agropastorale, sacrée, industrielle, de villégiature ; petites agglomérations rurales ; arts paysagers ; collections, mobilier...
- Résilience et actions de sauvegarde du patrimoine (ayant abouti ou échoué)
- Environnement :
- Impact des contraintes environnementales et climatiques sur l’entretien et la conservation du patrimoine bâti et paysager en contexte rural et montagneux
- Spécificités techniques de la conservation du patrimoine en zones rurales et montagneuses
- Dimension économique :
- Impact du tourisme sur le patrimoine bâti et paysager rural et montagneux : exploitation, surexploitation, contraintes économiques et sociales, fréquentation
- Lien entre tourisme durable, tourisme vert et tourisme culturel s’appuyant sur le patrimoine bâti et paysager de ces territoires
- Dimension sociale et politique :
- Acteurs et actions de la conservation patrimoniale impliqués : élus, collectivités, associations, institutions, société civile…
- Politiques de protection et de sauvegarde du patrimoine rural et montagneux
- Formation de la conscience patrimoniale : processus mémoriel, processus de patrimonialisation et d’historisation officiels et civils, faisant émerger oubli, perte de sens, imaginaire péjoratif, altéré, ou au contraire réactions spontanées et idéalisation…
- Spécificités de la conservation du patrimoine en zones rurales et montagneuses sur le plan administratif, social, culturel…
Les propositions (1500 signes) ainsi qu’un court CV et une liste abrégée de publications, le tout rassemblé en un fichier pdf unique, sont à envoyer avant le 5 janvier 2026 à viviane.delpech @ univ-pau.fr et laurent.jalabert @ univ-pau.fr
Calendrier :
Étude des propositions et notifications en janvier 2026.
Les actes du colloque feront l’objet d’une publication.
Comité scientifique :
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Esteban Castañer Muñoz, professeur en histoire de l’art contemporain, Université de Perpignan-Via Domitia
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Sylvie Clarimont, professeur en géographie et aménagement du territoire, Université de Pau et des Pays de l’Adour
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Anne-Marie Granet-Abisset, professeur émérite en histoire contemporaine, Université de Grenoble-Alpes
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Ascensión Hernández Martínez, professeur en conservation et restauration du patrimoine artistique, Universidad de Zaragoza
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Jean-Michel Leniaud, professeur émérite en histoire de l’art contemporain, École nationale des Chartes
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Nicolas Meynen, maître de conférences HDR en histoire de l’art contemporain, Université de Toulouse-Jean Jaurès
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María Pilar Poblador Muga, maître de conférences en histoire de l’art contemporain, Universidad de Zaragoza
Comité d’organisation :
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Viviane Delpech, maître de conférences en histoire de l’art contemporain et patrimoine, Université de Pau et des Pays de l’Adour
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Laurent Jalabert, professeur en histoire contemporaine, Université de Pau et des Pays de l’Adour
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