Petits vignobles aquitains

Co-Responsables du programme:

- Laurent Jalabert (PR d’histoire contemporaine, Université de Pau et des Pays de l’Adour)
- Stéphane Le Bras (MC en histoire contemporaine, Université de Clermont-Ferrand)

Objectifs du programme

Ce projet de recherche du groupe ITEM (EA3002) de l’UPPA propose d’étudier de petits territoires viticoles du Midi aquitain (Jurançon, Irouléguy, Madiran, Buzet, Tursan), en les comparant à d’autres terroirs à l’échelle internationale [Navarre en Espagne ; Alentejo au Portugal ; Badaksony en Hongrie ; Province de Salta, vallée de Calchaquiés en Argentine ; vignoble du Québec ou de l’Ontario (Georgian Bay) au Canada ; vignoble des régions de Nelson au sud et du Northland au nord en Nouvelle-Zélande] ou à l’échelle nationale (Val de Loire, Jura, Savoie, etc.)]. Le projet de recherche est conçu pour les années 2014-2024.
Les petits territoires viticoles aquitains s’entendent ici comme des terroirs n’appartenant pas à la dénomination « vignoble de Bordeaux » et dont les superficies ne dépassent pas 2.000 ha cultivés. Dans ce cadre, l’objectif est de coordonner une équipe de chercheurs autour de cinq axes :les systèmes économiques vitivinicoles ; les sociabilités vitivinicoles ; Les paysages vitivinicoles et leurs évolutions dans le temps long, Les patrimoines vitivinicoles (architecturaux, immatériels, techniques etc.), les sensibilités vitivinicoles
Ce programme a été financé par la Communauté d’agglomération de Pau, la Région Nouvelle Aquitaine (Liquoreux) et des partenaires privés (Vignerons de Buzet, Armagnac Dartigalongue) pour la période 2014-2020.

 

Les terroirs du midi aquitain étudiés

Dans le cadre du programme de recherche, l’étude des terroirs viticoles du midi aquitain seront privilégiés.

Buzet (47)

Situé dans le Lot-et-Garonne, à la périphérie du bordelais, entre vallée de la Garonne et forêt landaise, le vignoble s’étend sur environ 2000 ha.
Terroir ancien, il se place dans une zone de polyculture de la vallée de la Garonne, mais ne se structure comme zone viticole qu’à partir des années 1950, via une structure coopérative de 112 producteurs (1953). Il mise sur la qualité (VDQS en 1953, AOC en 1973) et se commercialise réellement à partir des années 1980.
Le programme de recherche sur ce vignoble est financé exclusivement par la cave coopérative « des Vignerons de Buzet » pour la période 2014-2018.

Irouléguy (64)

Au pied des Pyrénées, dans le pays basque français, se trouve l’un des plus petits vignobles aquitains, fondé au XIe siècle par les moines de Roncevaux qui firent construire deux prieurés dans la vallée de la Nive pour y exploiter des vignes, très vraisemblablement pour leur usage
personnels (services liturgiques et repas, accueil des pèlerins). Alors que le traité des Pyrénées est signé en 1659, des fermiers locaux deviennent propriétaires de vignobles dont la réputation dépasse le cadre local jusqu’au début du XXe siècle où la surface de production atteint 470 ha. Face aux dérèglements dus au phylloxéra et à des évènements extra-régionaux (guerres mondiales, crise économique), le vignoble se rétrécit jusqu’en 1945. À cette date, les quelques vignerons locaux forment un syndicat dont l’objectif est de reconstituer un vignoble qui atteint 300 ha et est reconnu VDQS en 1952, année de l’ouverture de la cave coopérative qui produit 1.500 hl au début des années 1970, au moment de l’obtention du label AOC. Dans les années 1980-1990, l’Irouléguy a regagné le marché qui était le sien jusqu’aux années 1900, c'est-à-dire celui de la côte toute proche où sont écoulés la grande majorité des 4.000 hl produits annuellement (dont 45 % en rosé). C’est aujourd’hui la plus petite appellation française avec 185 ha, principalement exploitées en terrasses.

Jurançon (64)

Très probablement, l’un des vignobles les plus connus du midi aquitain. Fondé par des ordres religieux au Moyen Âge, le vignoble devient au XIXe siècle l’apanage de la bourgeoisie paloise qui y voit là pour certains un signe de notabilité, pour d’autres un investissement profitable. Frappée par le phylloxéra, l’aire du jurançon connaît une inflexion spatiale au début du XXe siècle, s’orientant au sud-ouest de Pau, alors qu’elle dominait au sud
et à l’est de la ville auparavant. Depuis les coteaux formant les vallées escarpées rejoignant le Gave de Pau, les vins produits dans le terroir sont commercialisés dès le Moyen Âge par l’intermédiaire de Bayonne vers les Pays-Bas, l’Angleterre ou la Scandinavie. Au XIXe siècle, les 3.000 à 5.000 ha (selon les sources) font la renommée de la région auprès de la bourgeoisie nationale et européenne d’un vin doux et moelleux, reconnu AOC dès
1936 (il faut attendre 1975 pour le jurançon sec). Après la crise phylloxérique et l’abandon d’une grande partie de la production dans les années 1930-1940, la superficie ne couvre plus que 300 ha en 1949 quand quelques viticulteurs se regroupent au sein de la première cave coopérative, puis d’une confrérie bachique (1953). Aujourd’hui, coopérateurs et une centaine de vignerons indépendants (qui ont fondé une « route des vins » touristique dans les années 1980) poursuivent – non sans tensions internes – l’exploitation d’un vignoble entre tradition et modernité (tant dans les pratiques culturales, la récolte que la vinification), faisant du jurançon un des vins moelleux les plus appréciés du pays (environ 27.000 hl/an ; 15.000 hl/an pour le sec).
L’étude sur le Jurançon a été financé par la CDAPP (Pau) et par un programme de recherche financé par la région Nouvelle Aquitaine sur les Vins Liquoreux, dirigé par le CEMC de l’Université Bordeaux-Montaigne (2018-2021).

Madiran (64)

Il s’agit ici d’un terroir à cheval sur trois départements actuels : Gers, Hautes-Pyrénées et Pyrénées-Atlantiques. Suivant la trame habituelle des petits vignobles, celui-ci est fondé par des bénédictins, dans le village de Madiran. Très rapidement, le vignoble s’étend, notamment pour approvisionner tables des notables voisins ou lointains (anglais, hollandais, baltes), mais également les pèlerins de passage vers Saint-Jacques-de-Compostelle. Sur 1.400 ha, les vins du Vic-Bilh (le nom du pays où est produit le madiran) font la fortune de certaines familles locales.

Comme souvent, mais ici plus qu’ailleurs, le phylloxéra ruine petits et moyens producteurs qui se tournent vers d’autres cultures. Avant les autres également, les producteurs se regroupent dans une coopérative, à Diusse en 1936, avant d’obtenir l’AOC en 1948. Mais il faut véritablement attendre les années 1970 pour que les vins du madirannais retrouvent un semblant du lustre d’antan. Organisée autour d’une nouvelle cave coopérative (celle de Crouseilles) et de propriétaires indépendants actifs, la production croit en quantité (10.000 hl en 1970 ; 60.000 en 1990-2000 pour environ 1.300 ha) et en qualité (modification des techniques de culture, de vinification et de commercialisation), notamment grâce à des innovations et investissements réguliers. La particularité du madiran est de coïncider avec l’aire d’appellation du Pacherenc, un vin blanc moelleux qui émerge commercialement pour sa part dans les années 1980.

La région du Viv Bilh sera étudiée dans le cadre d’un projet sur les Liquoreux financé par la région Nouvelle Aquitaine (2018-2021).

Tursan (40)

Sur un territoire vallonné, le vignoble de Tursan est l’un des derniers dans un département landais où jusqu’à la fin du XIXe siècle, la vigne était présente partout (en dépit de certains aléas comme l’édit royal de 1577 qui ordonnait l’arrachage des vignobles en excédent). Ses vins, depuis le Moyen Âge jusqu’au XVIIe siècle, étaient exportés en Angleterre, en Espagne, aux Pays-Bas et en Allemagne, principalement grâce à la protection de la famille Castelnau de Tursan qui permettait un rabais des droits de passage pour les vins dans le port de Bayonne. Si la légende locale raconte que le tursan était présent à la table des empereurs romains, le dynamisme viticole landais initial remonte plutôt à l’époque des abbayes médiévales locales (Pimbo, Saint-Sever ou Saint-Loubouer) sur la route des pèlerins, comme souvent dans la région. À l’origine principalement vinifiés en rouge, les vins de Tursan se partagent aujourd’hui entre rouge, blanc et rosé, principalement en raison de son encépagement quasi-unique en France (notamment les blancs barroque, un cépage presque disparu). L’écrasante majorité de la production est assurée par la cave coopérative de Geaune, fondée en 1957, après une période de doutes et de difficultés (fin XIXe-mi-XXe s.). L’année suivante, elle obtient le statut de VDQS pour ses vins rouges. Au contraire de ses voisins du Madiran ou du Béarn, le vignoble de Tursan se singularise par l’unicité de sa production (notamment par
des vins frais au contraire des autres vins aquitains) et le monopole de la cave coopérative qui apparaît à la fois comme un frein au développement et un outil marketing indéniable. De nos jours, répartis sur 41 communes et 450 ha, le vignoble est peu visible, lui valant le surnom de « vignoble secret », mais un nouvel effort qualitatif (encépagement, vinification, modernisation structurelle de la cave coopérative) réalisé depuis les années 1990 lui a permis d’obtenir le label AOC en 2011. À la fois par son histoire encore méconnue (il n’existe aucune étude spécifique à ce jour) et ses nombreuses singularités, le vignoble de Tursan mérite une attention toute particulière.

Autres territoires

D’autres vignobles, peu ou mal connus et de tailles relativement réduites, méritent également d’attirer l’attention du projet. Il s’agit souvent de micro-vignobles locaux comme ceux de Biscarrosse (40), de Chalosse (40), d’Arzacq-Arraziguet (64) ou de vignobles plus vastes comme ceux des AOC brulhois (206 ha, 1984), côtes-du-marmandais (1.300 ha, 1990) ou béarn-bellocq (90 ha, 1991), voire même ceux du Bas-Armagnac (côtes-de- gascogne dans les Landes et le Lot-et-Garonne).
Depuis 2014, des liens institutionnels sont établis avec les producteurs (caves viticoles ou producteurs privés) de ces terroirs dans le cadre de la chaire HCP notamment, afin :
- de collecter des sources (écrites, orales, iconographiques).
- de proposer des stages de valorisations patrimoniales ou touristiques dans le cadre des formations par la recherche de l’UPPA
- de proposer des rencontres annuelles entre chercheurs, producteurs et responsables politiques de chaque terroir sur le terrain.

Les autres terroirs en miroir

Les autres terroirs ne sont ici appréhendés qu’en miroir des situations aquitaines. Il s’agira surtout de proposer des approches comparatives qui seront fouillées à partir de 2017. L’accent sera placé sur les dynamiques historiques. Des études sont en cours sur d’autres vignobles, menés par des chercheurs du laboratoire, ITEM ou des membres de la chaire HCP, portant sur les Petits Vignoble du Nord Est des Etats-Unis, la naissance du vignoble au Danemark, la restructuration des vins de Navarre, les Coteaux du Layon.

Soutiens et partenaires

Partenariats institutionnels et financiers

* Ce programme a bénéficié du soutien de la Communauté d’Agglomération de Pau en 2014-2015 (post-doctorat).
* Ce programme bénéficie du soutien de la Région Nouvelle Aquitaine (2017-2019) pour une étude sur les « liquoreux » (Jurançon, Vic Bilh,
Layon,...) en lien avec le CEMMC de l’université Bordeaux Montaigne.
* Ce programme bénéficie du soutien d’un partenariat financier dans le cadre de la Chaire HCP avec les :
                 - Vignerons de Buzet (2014-2018)
                 - Armagnac Dartigualongue (2015-2017).
* Ce programme bénéficie d’un partenariat avec la Chaire UNESCO sur le Vigne et le Vin (MSH de Bourgogne) à laquelle appartient l’Université
de Pau

Partenariats à l’occasion de journées d’études

Les journées d’études ont été l’occasion de permettre de tisser des liens avec : l’association des producteurs indépendants des vins de Jurançons, les vignobles de Madiran (Cave de Crouseilles et producteurs indépendants), et les vignobles de Saint-Mont.
Par le biais d’une approche pluridisciplinaire sur une thématique commune en lien avec une réalité économique et culturelle régionale susceptible de permettre de créer des liens entre l’Université, ses laboratoires et les acteurs professionnels du secteur, le projet permettra de valoriser dans un cadre professionnel (mise en tourisme, valorisation d’un patrimoine...) l’économie vitivinicole. Il s’agira de la mise en œuvre de partenariats privilégiés avec les différents acteurs de la filière (caves privées, caves coopératives, petits et moyens producteurs, producteurs indépendants, courtiers, négociants, décideurs, etc.) qui bénéficieront au projet par l’apport de sources/témoignages de premier ordre et l’accès à des terrains d’investigation jusque-là difficilement accessibles. En retour, l’expertise des chercheurs permettra de répondre aux défis d’une filière ultra-concurrentielle, couvrant une chaine de l’innovation allant depuis la conception jusqu’à la mise sur le marché. En renforçant les liens entre deux domaines distincts mais complémentaires, c’est assurer le soutien bilatéral à la recherche et à la compétitivité des entreprises. C’est enfin promouvoir le territoire du midi aquitain, son patrimoine culturel et son économie, à travers l’excellence de ses unités de production agro-alimentaire et de ses pôles de recherche.

Activités scientifiques

Journées d’études


Certaines communications de ces trois journées d’études ont été publiée dans un livre financé par le programme (ci-dessous).

Colloques


Laurent Jalabert, Stéphane Le Bras. Être petit dans l'univers vitivinicole, Cairn Editions, pp.303, 2019, 978-2-35068-666-0. #https://www.editions-
cairn.fr#. #hal-02096882




Le 17 juillet dernier à Genève, le Jury International de l’OIV (Organisation Internationale de la vigne et du vin) a primé, dans la Catégorie Histoire, l’ouvrage Les petits vignobles. Des territoires en question (Moyen Âge-XXIe s.).



Conférences ou interventions dans des colloques sur les vignobles étudiés

- S. Le Bras, « Ordre et désordres dans la filière viti-vinicole des Basses Pyrénées pendant la Seconde Guerre mondiale », in JALABERT L. et LE
BRAS S., Les Basses-Pyrénées dans la Seconde Guerre mondiale, Pau, CAIRN, 2015, p. 41-65.
- S. Le Bras, « Le pinard des poilus, entre mythes et réalités », Cycle de conférences sur le Centenaire de la Première Guerre mondiale, UPPA-
Pau (ITEM), novembre 2014.


Autres

- S. Le Bras, « Les vignerons de Buzet d’hier à aujourd’hui », Les vignerons de Buzet. Le mag., « S’engager autrement », Millésime 2014-2015,
p. 52-53.


Mémoires et rapports de recherche

Mémoires de master (certains mémoires sont consultables en ligne, https://dumas.ccsd.cnrs.fr/MEM-UNIV-PAU/search/index/)
- Clémence Catheline, Buzet, étude d’un patrimoine viticole, Rapport de stage de master 2, Valorisation des patrimoines, septembre 2015 (dir.
L. Jalabert)
- Emilie Bordenave, Etre patron d’une société de négoce au XIXè siècle en Armagnac, la maison Dartigalongue à Nogaro, mémoire de master 1
recherche, HCP, 2016 (dir. L. Jalabert)
- Emilie Bordenave, D’une maison de négoce à une maison d’Armagnac, la maison Dartigalongue au XXème siècle, mémoire de master 2
recherche, HCP, 2017 (dir. L. Jalabert)
- Christelle Foulquier. Le patrimoine viticole et sa valorisation dans l'aire de l'AOC de Marcillac, 2013


Rapports de recherche

- La maison Dartigalongue du début du XIXème siècle à 1914, ITEM, 2017 (disponible auprès de la société Dartigalongue)
- La maison Dartigalongue au vingtième siècle, ITEM, 2018 (disponible auprès de la société Dartigalongue)
- Inventaire partiel des Archives de la Cave coopérative de Buzet, ITEM, 2018.


Autres documents

Livrets pour la Cave coopérative de Buzet (les documents sont la propriété des Vignerons de Buzet)

+ L’histoire de la Cave de Buzet
+ Buzet un patrimoine viticole.
+ Buzet, moteur du développement territorial (09/2018)


Plaquettes pour la Cave coopérative de Buzet (les documents sont la propriété des Vignerons de Buzet)

+ L’origine des vins de Buzet

+ Les grands acteurs de la Cave de Buzet
+ Les vins de Buzet, patrimoine du Lot-et-Garonne
+ L’innovation à Buzet
+ Les vignerons de Buzet face aux crises depuis le Phylloxéra
+ Mémoires de vignerons
+ Le développement durable à Buzet (septembre 2018)
+ Les vignerons de Buzet aujourd’hui (septembre 2018)