HumanA

HumanAHumanismes Aquitains / Humanisme Aujourd'hui en Nouvelle Aquitaine

Contexte du projet

   Sur les base d'une collaboration forte avec la Bibliothèque Municipale de Bordeaux et la librairie Mollat, le Centre Montaigne a souhaité développer et renforcer la dimension régionale de son projet « Hybridations savantes », à travers un projet intitulé HumanA. Il propose de porter un projet partagé par les différentes universités aquitaines, étendu à l’étude de l’ensemble du milieu humaniste de la région et de ses aires d’influence (qui englobent une Gascogne aujourd’hui partagée entre plusieurs régions) à la Renaissance, en unissant étroitement ce projet de recherche à un projet de valorisation patrimoniale, tout en développant ses actions de médiation auprès des étudiants et du grand public. La diversité des figures incarnant l’humanisme aquitain ainsi que leur polyvalence (ils sont souvent juristes, historiens et poètes ou médecins et poètes à la fois, par exemple), le caractère polygraphique de la production écrite, la question du mélange des langues, font que la production textuelle de l’humanisme aquitain peut être interrogée à la fois sous l’angle spécifique de la construction d’une culture locale, et sous celui de la diversité et de l’hybridité de ses formes.

     Le nom du projet HumanA peut ainsi se lire d’au moins deux manières : Human-A, pour Humanismes aquitains, et Hum-anA, pour Humanisme Aujourd’hui en Nouvelle Aquitaine. Il se donne en effet une double mission : d’une part, conduire un projet de recherche et d’analyse du patrimoine immatériel portant spécifiquement sur l’humanisme aquitain du début du XVIe siècle au premier tiers du XVIIe et débouchant sur des actions immédiates de valorisation, à la fois à destination de la recherche et du grand public, d’autre part contribuer à renforcer les études sur la Renaissance à l’échelle de la nouvelle région, en fédérant les chercheurs concernés des différentes universités de la région, autour d’un objet commun, en inscrivant ces recherches dans les pratiques pédagogiques de manière à mieux assurer la formation et le renouveau de la recherche, et en assurant également des missions de médiation. Le Centre Montaigne est en effet conscient que la Renaissance est une période de plus en plus difficile d’accès pour les étudiants comme pour le public ou le lectorat, et il souhaite inscrire dans ses missions universitaires un travail de médiation qui permette à la fois de nourrir la vie culturelle et de contribuer au renouvellement des générations de chercheurs, d’enseignants et de spécialistes de la période.

 

Perspectives scientifiques et méthodologie

     Le projet se fonde sur un constat : l’humanisme aquitain est un champ d’étude encore très mal connu. D’une part, en effet, quelques grandes figures comme Montaigne et La Boétie, et dans une mesure bien moindre, Pierre de Brach ou Jean Bouchet captent l’essentiel de la lumière, tandis qu’un nombre important d’auteurs, de lettrés, de savants n’ont pour certains jamais suscité d’étude critique ; de l’autre, un certain nombre d’éditions ou d’études monographiques (sur le Collège de Guyenne, sur l’académie protestante d’Orthez, sur les poètes gascons, aquitains et périgourdins, sur le libraire Simon Millanges) sont anciennes (Desgraves) ou très ancienne (Gaullieur, Tamizey de Larroque) et demandent à être actualisées et complétées, voire menées de nouveau selon les standards actuels de la recherche. L’état de l’art permet essentiellement de faire apparaître de très importantes lacunes dans ce domaine. Les figures étudiées, en outre, l’ont été pour elles-mêmes et de manière isolée, sans qu’une interrogation soit conduite sur la spécificité éventuelle d’un humanisme propre à l’Aquitaine et sur ses relations avec d’autres foyers humanistes, français ou européens. Or un inventaire même rapide des figures de cet humanisme et de leur production fait apparaître son souci de construire une identité locale, qui se manifeste par exemple à travers les ouvrages d’histoire tels les Chroniques Bordelaises de Gabriel de Lurbe, les Annales d’Aquitaine de Jean Bouchet, l’œuvre de Nicolas de Bordenave, historiographe de la maison de Navarre, les travaux d’Elie Vinet sur les « antiquités » aquitaines (L’Antiquité de Bourdeaus et de Bourg, L’Antiquité de Saintes et Barbezieux ou ou la Recherche de l’antiquité d’Angoulesme) ou son travail d’édition d’une figure aquitaine antique importante, le poète Ausone, la volonté manifestée par Gabriel de Lurbe de recenser tous les hommes illustres de la région (De Illustribus Aquitaniæ viris, publié chez Millanges) ou encore L’Hymne de Bordeaux de Pierre de Brach.

     Le Collège de Guyenne, par ailleurs, « l’un des meilleurs de France » selon Montaigne, placé sous l’égide de ce même Ausone, se singularisait par sa pédagogie et la qualité de ses professeurs et constituait un foyer original de vie intellectuelle, qui donna naissance à des publications érudites. L’académie d’Orthez de son côté a attiré quelques personnalités reconnues de la Réforme protestantes, telles Pierre Viret, Lambert Daneau ou Nicolas des Gallars. L’existence de grands imprimeurs-libraires locaux, dont surtout les Millanges à Bordeaux et les Marnef à Poitiers, mais aussi d’imprimeurs plus modestes comme Barthélemy Berton, ou Louis Rabier imprimeur du roi de Navarre à Orthez lié aux Haultin à La Rochelle et son successeur Abraham Rouyer, à La Rochelle, lui-même fils de l’imprimeur limougeaud Jean Berton, permettent encore aujourd’hui de tracer, à travers l’inventaire et l’analyse des œuvres qu’ils publièrent, les contours d’une culture locale et de son rapport avec la culture française et européenne, mais aussi antique et moderne. Par ailleurs, l’Aquitaine est aussi le berceau ou la terre de figures féminines ayant joué un rôle important dans la vie littéraire, comme Marguerite de Navarre, ou comme Marguerite de Valois, commanditaire et dédicataire de nombreux textes au sein de leurs cours, à Nérac, Pau et Agen. Or leur présence n’a jamais été analysée dans le cadre d’une réflexion globale sur l’humanisme local, ni dans celui d’une théorisation du rôle propre des femmes dans la construction et la circulation des savoirs humanistes.

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