Inventaire du patrimoine culturel immatériel : analyse comparée Aquitaine, Québec, CaraïbesProgramme financé par le Conseil régional d'Aquitaine et le ministère de la culture et de la communication
Responsable du projet : Patricia Heiniger Casteret (maître de conférences)
En Juillet 2007, la France a ratifié la convention de l’UNESCO pour la Sauvegarde du Patrimoine Culturel Immatériel (PCI), texte établi en 2003. L’Etat est dès lors tenu, selon l’article 12 de ladite convention, d’établir des Inventaires du PCI et d’en faire une mise à jour régulière. La convention définit le PCI comme l’ensemble des pratiques, représentations, expressions, savoir-faire et techniques, liées à la fabrication d’instruments et d’objets rares sans oublier les espaces culturels qui leur sont associés. Le PCI se manifeste, entre autres, dans les traditions et expressions orales, y compris la langue comme vecteur de ce patrimoine, les arts du spectacle, les pratiques sociales, les rituels et les évènements festifs, les connaissances et les pratiques concernant la nature et l’univers et les savoir-faire liés à l’artisanat traditionnel.
Ce terme, nouveau dans le paysage scientifique, relance par ailleurs le débat de la conservation des documents oraux au sein des centres d’archives, bibliothèques et médiathèques (Joëlle Garcia. Valoriser et préserver le patrimoine oral dans une civilisation de l'écrit : un défi pour les bibliothèques. Voir également le site de l’association française des documents sonores (AFAS)). De même, les organismes internationaux dédiés à la conservation des sites et des objets sont interpellés par cette notion nouvelle dans l’univers muséal. Ainsi le Conseil International des Monuments et des Sites (ICOMOS) centrera deux assemblées générale sur ce thème, en 2003 à Victoria Falls (Zimabwe), « La mémoire des lieux : préserver le sens et les valeurs immatérielles des monuments et des sites » et en 2008 à Québec, « Où se cache l’esprit du lieu ? ». Cette dernière assemblée voit l’adoption d’un texte commun dit « La déclaration de Québec sur la sauvegarde de l’esprit du lieu » qui considère le Patrimoine Immatériel comme part prenante et agissante de la préservation et de la transmission des sites et monuments. Le Conseil International de Musées (ICOM) se penche également, en 2004, lors de sa 20e assemblée générale, sur « l’intégration de l’immatériel » dans la constitution des collections et dans les préoccupations des muséologues (ICOM. La lettre du comité national français, mai 2005. Dossier Patrimoine matériel, patrimoine immatériel.). A noter que le Conseil de l’Europe a adopté en 2005 une convention cadre sur la valeur du patrimoine culturel, dite « convention de Faro » qui s’inspire fortement de la convention de l’Unesco sur le Patrimoine Culturel Immatériel.
Le « Département du pilotage de la recherche et de la politique scientifique » du Ministère de la Culture et de la Communication est en charge de l’application de la Convention et de la mise en œuvre des inventaires. Quatre opérations Pilotes ont été menées en 2008 dont une en Aquitaine sur le PCI d’expression occitane. Elle a été conduite par l’InOc-Aquitaine en partenariat scientifique avec le Laboratoire ITEM de l’UPPA. Ce premier inventaire ciblé, a révélé un terrain riche en expressions et manifestations sur l’ensemble aquitain. Les premiers points sur l’avancée des travaux ont été présentés au Conseil Régional dans le cadre de l’Amassada (Conseil de développement pour l’occitan) et aux premières rencontres nationales du PCI qui se sont déroulées à Rennes, les 12 et 13 décembre 2008. Ces présentations ont souligné la valorisation ultérieure des résultats en termes d’identité, de transmission des savoirs, de valorisation touristique et de lien social intergénérationnel et d’intégration.
Notre recherche s’inscrit dans la poursuite du travail déjà engagé tout en élargissant le cadre de l’inventaire afin d’interroger l’espace aquitain, dans la totalité de ses expressions, selon la définition du PCI telle que la conçoit la Convention de l’UNESCO.
Axes de la recherche
Le projet est structuré en deux volets avec une approche comparative :
- Les travaux d’inventaires seront conduits en Aquitaine par des chercheurs du laboratoire ITEM de l’UPPA et du laboratoire ADES de l’Université de Bordeaux III
- Le volet comparatif s’établira à partir de la pratique d’inventaire, maintenant bien éprouvée, que mène la Chaire de Recherche en Patrimoine Ethnologique du Canada de l’Université Laval (Québec), sur la province de Québec depuis 2004. L’espace caraïbes dans sa partie francophone du moins, a intégré cette notion et l’Université d’Etat d’Haïti poursuit, malgré les plaies du séisme de 2010, son inventaire du PCI avec l’aide l’U. Laval.
En raison des liens, qui unissent les chercheurs des laboratoires aquitains avec leurs collègues québécois et caribéens il était intéressant d’engager une confrontation sur ces trois espaces.
Méthodologie
Elle peut se résumer en trois phases : des collectes de terrain, l’établissement de fiches d’inventaires et la valorisation de l’ensemble du travail.
- Les collectes se déterminent à partir de thèmes ou de zones géographiques. Elles s’effectuent auprès de personnes ressources et de personnes témoins. Des observations de manifestations festives et culturelles sont effectuées Des entretiens sont menés, des reportages photographiques et/ou vidéo sont réalisés.
- Les fiches d’inventaires. L’ensemble des données est traité sous forme de fiches dont la grille d’analyse proposée par l’ouvrage de Jean Dubergé (Jean Dubergé. Grille des pratiques culturelles. Les éditions du Septentrions, Sillery (Québec), 1997) est adaptée aux réalités du terrain régional.
La valorisation
Tout au long de l’opération, de 2011 à 2014, les fiches élaborées alimenteront le portail du Ministère de la culture « PortEthno Le réseau des recherches et ressources en ethnologie de la France » et celui de la région Aquitaine par le biais de la Banque Numérique du Savoir Aquitain. L’ensemble des données sera abordé par types de fêtes, pratiques, danses, expressions musicales, aires géographiques avec documents sonores et vidéo.
Des journées de travaux ont rassemblé les chercheurs de l’équipe aquitaine sur des questions données, d’octobre 2010 à décembre 2013, ainsi qu'un séminaire d’octobre 2011 à décembre 2013 rassemblant les chercheurs des trois espaces où les travaux sont menés. Ont été abordés les problèmes liés à la collecte, l’archive, la valorisation et le statut juridique du Patrimoine Culturel Immatériel.
Une exposition et un colloque international, au printemps 2014 sont consacrés à la question des inventaires de l’immatériel.
Au-delà du travail universitaire, cet inventaire fait ressortir des dynamiques, mettant l’accent sur des savoir-faire, révélant la vitalité du tissu social et associatif et s'attachera à penser le patrimoine culturel dans une perspective contemporaine et évolutive et non comme un ensemble de formes fixes.