Philosophie

PhilosophieParution prochaine chez Les Classiques africains

Manuel Interafricain

Classes des Lycées

Ouvrage dédié à Paulin J. Hountondji

Parution chez Les Classiques africains

Sous la direction de :

Souleymane Bachir DIAGNE
Yacouba KONATÉ
Charles Zacharie BOWAO
Danièle DONA-FOLOGO
Abel KOUVOUAMA

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L’idée d’un manuel interafricain de philosophie

Un petit retour à l’Afrique francophone des années 1980-1990. Au plan politique, les ombres portées de la guerre froide durcissent les positions entre les régimes politiques africains dits socialisants et ceux réputés libéraux. L’idéologie et la politique impactent certains programmes d’enseignement, surévaluent les écrits réputés progressistes et méprisent les auteurs et les thèmes tenus pour réactionnaires. C’est ainsi que sous le couvert de la philosophie en Guinée, au Congo ou au Bénin, on enseignait volontiers Marx, Lénine, Mao, Sékou Touré et on évitait Platon, Aristote, Descartes…

Dans ce contexte intervient à l’université de Dakar, du 18 au 21 mars 1985, un colloque interafricain consacré à La philosophie et son enseignement avec les participations de Michel Muglioni de France Elimane Kane et Bachir Diagne du Sénégal, Danièle Dona-Fologo et Yacouba Konaté de Côte d’Ivoire. Dans sa livraison de mai 1985, le bulletin de liaison de l’Association Ivoirienne des Professeurs de Philosophie (AIPP), publie les recommandations du colloque. On y retrouve la proposition suivante : « il s’agit pour les enseignants de philosophie de véritablement enseigner la philosophie, c’est-à-dire d’éviter que les contenus philosophiques qui font l’objet de cet enseignement, ne se diluent ».

Dans la dynamique du colloque de Dakar, en décembre 1988, un deuxième colloque est initié par les deux participants ivoiriens à la rencontre de Dakar, en l’occurrence Danièle Dona-Fologo, Inspectrice Générale de Philosophie au Ministère de l’Éducation Nationale et Yacouba Konaté, chef du Département de Philosophie de l’École Normale Supérieure et président de l’Association Ivoirienne des Professeurs de Philosophie de Côte d’Ivoire (AIPP). L’enjeu de ce deuxième colloque est éminemment pragmatique : définir ensemble un champ de notions et d’auteurs constituant le minimum à préserver d’une part contre la dilution dans l’anthropologie ou l’ethnologie, d’autre part contre les prescriptions idéologiques ou politiques. Il s’agissait d’énoncer les termes d’un programme interafricain de philosophie dont les enseignants pourraient se prévaloir, pour donner plus de temps de jeu à Platon, Descartes, Kant, Hegel… plutôt qu’à Lénine, Mao Tsé Toung ou Sékou Touré ; plus de temps à réfléchir sur les notions de liberté, de droit et justice, sur l’idée de Dieu plutôt que sur le socialisme scientifique ou la morale révolutionnaire.

L’université d’Abidjan appuie la démarche présentée par l’Inspection Générale de Philosophie, l’École Normale Supérieure et l’AIPP. Si bien que c’est l’ensemble des institutions et des instances d’enseignement et de régulation de l’activité philosophique qui adoptent l’idée. Balla Kéita (1944-2002), le Ministre de l’Éducation Nationale et de l’Enseignement Supérieur de l’époque, valide le projet pour lequel il obtient le financement du gouvernement et l’appui de l’UNESCO.

Le colloque international se tient à Yamoussoukro. Il regroupe une centaine de professeurs de philosophie de l’enseignement secondaire et de l’enseignement supérieur, de toute l’Afrique francophone au sud du Sahara. Le colloque encourage l’inscription d’auteurs africains dans les programmes de philosophie des lycées et collèges. Non pas en appendice ou sous la rubrique particularisante de la philosophie africaine, mais plutôt en débat interne au cœur des notions au programme. Par ailleurs, des thèmes tels que décoloniser- désaliéner, le développement et l’idée de progrès, des problématiques à forte résonance pour des hommes et des femmes historiquement situés en Afrique, sont convoqués. L’ensemble du nouveau programme est confié au comité de suivi du colloque coordonné par Danièle Dona-Fologo. Paulin Hountondji, Souleymane Bachir Diagne, Abel Kouvouama, Yacouba Konaté et Charles Zacharie Bowao sont commis à l’écriture d’un ouvrage conforme à l’esprit des recommandations des colloques de 1985 à Dakar et de 1988 à Yamoussoukro. Les auteurs rentrent leurs contributions. Danièle Dona-Fologo fait adopter le programme interafricain comme programme officiel. Ses notions sont enseignées dans des classes expérimentales. Des conseillers pédagogiques en suivent le processus et relaient leurs observations et remarques quant à la réception des termes du programme.

Le projet a ainsi été soutenu par Messieurs Bamba Mamadou, Inspecteur Général de l’Éducation Nationale, Essi Yao, Inspecteur Général de l’Éducation Nationale et Melagne Agnimel Jérôme, Inspecteur de l’Enseignement Secondaire. La Commission Nationale d’Agrément des Supports Didactiques du Ministère de l’Education Nationale lui accorde son agrément au manuel en août 2012. Attendu pour le début des années 1990, le manuel interafricain de philosophie ne paraît finalement qu’en 2025. Entre temps, le mur de Berlin est tombé, et la guerre froide est passée de mode. Le vent des conférences nationales a soufflé sur une grande partie des pays de l’Afrique francophone, ensemençant les grandes espérances du pluralisme politique, vite ,suivies de guerres civiles, de rébellions, d’extrémismes. L’actualité se fait brûlante, le monde se globalise. Ce nouveau contexte imprime des accents nouveaux aux questions du particulier et de l’universel, du bien et du mal, de l’innocence et de la culpabilité, de la violence et de la justice, de la société et de l’État, de la réflexion et de l’action, de la science et des technologies de l’information et de la communication, des réseaux sociaux, du genre… Autant de problématiques contemporaines instruites dans ce manuel.

La conception et la réalisation du livre portent témoignage de ce qu’entre 1985-1988, des enseignants de philosophie en Afrique ont su négocier un consensus autour d’un programme, dans la même vision d’une exigence assumée en commun, des personnes-ressources ont été commises pour l’écrire à plusieurs mains, l’expérimenter dans les classes, avant d’en faire l’objet d’un ouvrage. L’histoire de cet ouvrage collectif indique que les colloques ne sont pas toujours des bavardages futiles et les gouvernements en Afrique ne sont imperméables ni au dialogue ni aux réformes, si on se donne les moyens de les formuler en propositions cohérentes et en données opérationnelles.

Yacouba Konaté

Professeur des universités

PRÉFACE

Ce manuel de philosophie est l’œuvre d’une équipe d’universitaires et de pédagogues africains et le fruit de la coopération de quatorze pays africains francophones soucieux de doter leur système d’enseignement secondaire d’un programme minimum commun de philosophie.

C’est en 1988 que ces pays africains francophones nourrissaient une telle ambition. Dix ans plus tard, soit en 1998, ce programme fut adopté et généralisé en Côte d’Ivoire. Mais le manuel qui devait l’accompagner faisait cruellement défaut. Aussi, en 2012, les éditions PUCI, ont-elles pris l’initiative heureuse de le faire exister. Finalement, c’est aux éditions Les Classiques africains qu’il est revenu de parachever sa publication.

Les auteurs se sont conformés au programme interafricain de philosophie. Leurs analyses font non seulement une place importante aux réalités africaines mais également à des auteurs africains qui font ainsi leur entrée dans l’espace et l’histoire d’une discipline dont « 1’africanité » était naguère un attribut problématique. Ce faisant, cette œuvre collective a le mérite de faire émerger de grandes figures de la philosophie africaine tout en apportant la preuve que contrairement à ce que laissait penser Kant sur ce « Kamptplatz », il peut y avoir référendum entre philosophes en colloque.

Il me plait donc de saluer ce premier manuel interafricain de philosophie où la majestueuse discipline est révélée dans son projet de clarification des concepts comme un jeu de leur mise en éclatement. En effet, ce manuel se construit autour de notions dont chacune se présente comme un site éclaté de parcours qui instruit une constellation de savoirs constitutive d’un « minimum philosophique » dans

un « programme minimum commun » de formation du citoyen africain nouveau en tant qu’homme d’ouverture, d’accueil et de partage du sens.

Chaque notion devient ainsi comme « l’eau-miroir » de Narcisse qui dialectise la surface comme une profondeur à sonder par un regard qui scrute l’image du sens en brisant le charme par lequel elle ensorcelle l’intelligence. Ici, le travail de la pensée se décline sous des formes d’expériences variées, sans cesse à reprendre et des formes de cultures toujours à réviser ou à revisiter. Avec ces atouts, l’ouvrage devrait connaître un succès certain auprès des enseignants, des élèves, des étudiants et de tous ceux qui, dans l’espace africain francophone, s’intéressent aux textes philosophiques.

Niamkey Koffi

Professeur des Universités

SOMMAIRE

 

L’HOMME ET LA SOCIÉTÉ

L’Obligation morale

La Liberté

L’Existence

L’Histoire

Dieu et la Religion

Culture et Civilisation

L’Humanité

Conscience et Inconscient

Autrui

Décoloniser, Désaliéner

Langage et Communication

La Violence

Droit et Justice

L’État, la Nation

Le Développement, l’Idée de Progrès

Le Travail

L’Art

 

LA CONNAISSANCE

La Technique

Mythe et Raison

Perception, Mémoire, Imagination

L’Idée de Science

Logique et Mathématique

Théorie et Expérience

La Connaissance du Vivant

Les Sciences de l’Homme

POSTFACE

Publié par les meilleurs soins des éditions Les Classiques africains de Côte d’Ivoire, le présent Manuel interafricain de philosophie est désormais disponible. Il est question ici d’un aboutissement laborieux, celui d’une aventure intellectuelle et coopérative impulsée par l’UNESCO dans les années 80/90, et qui a engagé plusieurs universités et quelques États francophones d’Afrique. Cette aventure participe d’une volonté universellement partagée de mettre en perspective philosophique le dénominateur commun des pratiques pédagogiques, méthodologiques et heuristiques sur tous les continents, à la lisière de la dynamique de résilience des cultures particulières et d’une civilisation marquée lourdement par les nouvelles techniques de l’information et de la communication.

Ainsi, s’annonçait irréversiblement le progrès humain culminant avec l’explosion du numérique dont l’intelligence artificielle est le levier. Depuis, de très nombreuses rencontres scientifiques ont été organisées sous le label « journée de philosophie à l’UNESCO », au siège parisien de l’organisation spécialisée de l’ONU. Ces rencontres furent sanctionnées par des séries de publications individuelles et collectives qui mettent sans ambiguïté le questionnement critique au cœur des savoirs, des savoirs faire et des faires savoir. L’objectif reste autant d’actualité qu’il est question partout de promouvoir le savoir-être moderne, autrement dit de densifier la culture de la paix à l’épreuve des guerres et des autres intolérances qui illustrent, partout, la crise des valeurs et/ou la perte du sens.

Dans cette optique de décloisonnement de la réflexion philosophique au fondement du dialogue interculturel, l’UNESCO publie en 2014 un ouvrage de référence en français, en anglais et en arabe, intitulé Manuel de philosophie : une perspective Sud-Sud. Dans un même élan d’ouverture philosophique et d’enracinement culturel, des rencontres scientifiques sont organisées à Dakar (1984), à Abidjan (1988), à Cotonou (1991) et à Brazzaville (1992) autour du bilan et des perspectives de l’enseignement de la philosophie dans l’espace francophone. Le présent Manuel interafricain de philosophie résulte de la synthèse recréatrice de ces discussions auxquelles ont pris part des enseignants des Lycées, des Facultés des lettres, arts et sciences humaines, et des Écoles normales supérieures. Les rédacteurs ont privilégié non pas la démarche thématique a priori, mais l’approche notionnelle, en s’appuyant sur des textes sélectionnés avec beaucoup de précaution. Chacune des notions visitées donne lieu à des interrogations sans parti pris, transdisciplinaires, en cultivant chez l’apprenant la capacité d’appropriation des contenus ciblés et la liberté de jugement entre des points de vue concurrentiels ou alternatifs.

Cette mise en miroir critique des notions philosophiques fondamentales, parce qu’étymologique, extensive et compréhensive, éloigne le penser, autant que faire se peut, des simplifications approximatives ou hasardeuses, partisanes ou culturalistes. C’est dans la tête que naissent les automatismes de la violence, et c’est dans l’esprit qu’il faut cultiver le désir de la paix. L’éducation philosophique est essentielle pour déconstruire l’idée de violence et consolider l’idéal de paix entre les humains. Elle prémunit l’esprit de l’enlisement dans des identités closes, voire meurtrières. Il n’y a pas meilleure école du débat d’idées que la philosophie. Chaque notion travaillée ici dévoile le problème dont elle est le surgissement progressif, et la texture qui fait signe à d’autres notions centrales. Cela donne à voir que toute notion philosophique est, en soi, une quête incessante d’humanité et incorrigible d’universalité. De sorte que d’une notion philosophique à une autre, et d’une autre à une nouvelle autre, nous passons d’une problématique à une problématisation à nouveaux frais, sans jamais rompre la tradition critique, autrement dit sans jamais couper le cordon argumentatif d’une époque à une autre, d’un continent à un autre, d’une planète à une autre. Ce n’est pas par hasard, du reste, que pour être première en ce manuel qui lui est consacré, la notion de philosophie soit la dernière à être explorée, comme pour dire que la discussion se poursuivra.

Charles Zacharie Bowao

Professeur des universités