2019-2022 Vinenbuz

Vinenbuz -E2S UPPA

Adapter et construire un vignoble face aux nouvelles contraintes environnementales et territoriales : le cas de l’AOC Buzet

(2019-2022)

Le Partenariat inclut aujourd’hui deux laboratoires de recherche de l’UPPA, ITEM (EA3002) et Passages (UMR5319), la coopérative des Vignerons de Buzet et le Conseil Départemental du Lot-et-Garonne (co-financement post-doctorants). Pour l’UPPA, le laboratoire ITEM est porteur du projet de par ses liens durables avec la coopérative des Vignerons de Buzet et ses travaux sur les Petits Vignobles. Il s’inclut dans le programme E2S de l’UPPA dans la mesure où l’objectif de la coopérative est d’ancrer dans une dynamique identitaire et productive un déploiement de sa stratégie de développement.

Le projet de coopération est en parallèle intégré dans l’AAP du PIA TI, projet VITIREV porté par la Région Nouvelle Aquitaine, notamment dans le cadre de la création d’un LIT.

Acteurs

Personnes

Leader/partner

Laboratory / Team / Industry

Jalabert Laurent

Leader

PR. Histoire, ITEM (EA3002)

Jauréguiberry Francis

Partenaire

Passages (UMR CNRS)

Philippe Pierre

Partenaire

Vignerons de Buzet (VdB)

Autres chercheurs ITEM impliqués

  • Alain Champagne, MC archéologie médiévale et moderne
  • Véronique Lamazou-Duplan, MC histoire médiévale
  • Dominique Bidot-Germa, MC histoire médiévale
  • Stéphane Le Bras, MC histoire contemporaine, Univ. Clermont-Ferrand (associé ITEM)

 

Contexte

Depuis 2005, Les Vignerons de Buzet (47) développent une politique orientée autour du développement durable autour d’une trajectoire ambitieuse de transition agroécologique passant par la réduction de l’usage de la chimie, la restauration de la biodiversité, la préservation du capital sol et la gestion des ressources naturelles.

Aujourd’hui l’entreprise développe un vignoble expérimental de 17 ha, appelé « Vignoble New age » dont l’objectif est de se projeter à l’horizon 2030/2050 avec comme ambitions de concentrer et valoriser son passé, ses savoir-faire et de montrer sa capacité d’innovation ; d’imaginer le passage du vignoble d’hier à celui de demain qui soit : Auto-fertile ; Sans Intrants chimiques ; Résistant aux bio-agresseurs et qui soit également : Rentable ; Adapté aux changements climatiques.

Pour cela, les Vignerons de Buzet souhaitent un accompagnement par la recherche universitaire en SHS, visant à l’aider à valoriser son patrimoine et son histoire, autour de son château et à accompagner ses viticulteurs par une approche de sociologie comportementale visant à les aider à modifier leurs pratiques quotidiennes et leurs représentations de l’environnement viti-vinicole.

Programme scientifique

  • Approche historique

Dans le cadre du projet, le laboratoire EA 3002 ITEM de l’UPPA offre les compétences nécessaires à l’étude historique sur un temps long (du Moyen Âge à nos jours) du territoire situé autour du château de Buzet (site haut, acheté en 2018 par la coopérative), de l’ancien bourg castral (castrum, avec église et village) qui le côtoyait du Moyen Âge au XIXème siècle et de l’environnement, approché ici par l’histoire du paysage, des productions et par les méthodes de l’écologie historique. Il s’agira aussi de poursuivre l’étude sur le système viti-vinicole de Buzet par la longue durée, intégrant les éléments déjà étudiés pour la période la plus contemporaine, à savoir l’histoire du système coopératif depuis 1945 (étudiée entre 2014 et 2018 par ITEM). Pour ce faire, le laboratoire ITEM rassemble des historiens, des archéologues, des historiens de l’art, spécialistes de périodes différentes (médiévistes, modernistes, contemporanéistes) : les périodes comme les disciplines pourront donc être croisées ou mises en perspective.

- Le post doctorant recruté (M. Pierre Courroux)  aura pour mission essentielle de retracer l’histoire du château, de ses différents possesseurs du Xe au XXIe siècle, du bourg castral, du paysage, entre productions (notamment viticole) et environnement. Pour les Xe-XIXe siècles, les publications anciennes (érudits locaux, revues locales), ainsi que les Actes du colloque tenu en 1991 sur Le château de Buzet, points de départ incontournables, seront mis à jour et enrichis par l’investigation scientifique, le retour aux sources (nouvelles sources dépouillées, sources connues mais relues à la lueur d’une bibliographie récente). L’objectif de cette étude est triple : Retracer l’histoire du château et de ses différents possesseurs du Xe au XXIe siècle. Mais au-delà de la succession des propriétaires, il s’agira davantage de faire l’histoire des pouvoirs, entre château, bourg castral, Église et communautés d’habitants. Outre la succession des possesseurs laïques ou ecclésiastiques de Buzet et de son château, elles permettront de retracer les relations entre les puissants et les habitants, les modalités de l’exploitation agricole, économique du territoire jusqu’au début du XXème siècle.

-Le Post doctorant aura aussi l’appui de l’équipe des chercheur plus globalement pour des missions de restitution ou reconstitution rétrospectives de l’occupation, de l’exploitation du sol et, plus largement, du paysage : parcelles, types de cultures ou d’exploitation des ressources naturelles, équipements… grâce aux papiers de famille, aux registres de notaires les plus anciens (achats, ventes, échanges, locations…), aux documents fonciers ou de nature fiscale (plusieurs arpentements sont conservés au moins à partir du XVIIe siècle, cartes et plans anciens, cadastres, photographies anciennes). Pour les périodes contemporaines, l’enquête orale pourra nourrir une approche à la fois historique, anthropologique et sociologique (représentation de l’histoire du territoire, histoire et mémoire des lieux, des gestes et des pratiques…) en particulier autour de la vigne et du vin. Il conviendra, documents à l’appui, de préciser les contours et les évolutions de ce vignoble à travers l’histoire, d’en restituer les pratiques (acteurs, lieux, gestes), entre histoire et représentations (histoire et mémoire). L’archéologie permettra en complément une approche des faits en l’absence notoire de mention dans les documents : d’où l’importance de croiser les sources pour multiplier les regards différents sur le village. Pour l’époque contemporaine, les études menées depuis 2014 par ITEM seront approfondies (fin du classement des archives de la cave, travaux sur les fonds disponibles, publications spécifiques).

- Enfin, en lien avec le partenaire propriétaire du château et combinée aux deux objectifs précédents, sera également proposé, pour le site haut (château, castrum, église, chapelle) une valorisation du site, comprenant notamment un relevé du bâti encore en élévation ou visible (archéologie du bâti) ainsi que des études archéologiques et d’histoire de l’art, avec des outils de valorisation susceptible de créer de nouveaux partenariats en vue de la création d’espaces culturels (Fondation du patrimoine).

  •  Approche sociologique

En parallèle de l’étude historique sera déployée une approche sociologique visant à analyser par le biais de la sociologie comportementales les expérimentations des nouvelles solutions techniques agroécologiques, il convient de s’intéresser aux verrous et leviers comportementaux des changements de pratiques en viticulture. En effet, si des solutions existent, elles ne sont pas forcément mises en œuvre par les viticulteurs, aussi il est nécessaire de s’intéresser aux mécanismes de résistance au changement et de passage à l’action. Cette action s’appuiera sur les recherches des sociologues du laboratoire PASSAGES de l’UPPA, avec l’appui des historiens du temps proche du laboratoire ITEM. Ainsi, cette action visera à identifier et étudier les verrous et leviers du changement pour la mise en œuvre de pratique viticoles durables sur la base d’expérimentations auprès des viticulteurs. Il est en effet particulièrement utile d’associer une phase expérimentale à cette action car les agriculteurs ont tendance à se fier à leur propre expérience (effets mémoriels étudiés par les historiens) plus qu’à d’autres références sociales. De même, ils préfèrent souvent la situation actuelle et l’expérience passée aux perspectives offertes par des solutions de remplacement qui n’ont pas été testées. Sur la base des enseignements tirés, un accompagnement au changement sera assuré auprès des Vignerons de Buzet afin d’engager l’ensemble de la coopérative. Ainsi, les 184 adhérents viticulteurs/polyculteurs mais également les cadres dirigeants et techniciens de la cave seront accompagnés au travers de sessions individuelles et de groupe mobilisant des outils d’innovation sociale. Cette démarche s’articule en parallèle du projet de vignoble « new age » dont l’objectif est de développer des itinéraires de production tendant vers le zéro intrant chimique, des sols auto fertiles, et une résistance aux bio agresseurs. Ils constituent l’un des axes d’application de l’ambition de diffuser et partager les solutions trouvées en impliquant les parties prenantes du territoire.

Depuis les travaux pionniers de Bryce Ryan et Neal Gross (1943) sur la diffusion du maïs hybride dans l’Iowa, une multitude d’études sociologiques se sont succédées pour comprendre les raisons d’une résistance ou au contraire d’une adhésion aux changements. En 1962, le sociologue américain Everett M. Rogers synthétisera une part de ces études dans un ouvrage-clé Diffusion of innovations. Selon cet auteur – qui se heurtera pour cela à certains de ses collègues économistes – la perception subjective de l’innovation par les individus joue un rôle tout aussi important que sa dimension objective pensée en termes économiques. Pour être adoptée, l’innovation technique doit répondre de cinq caractéristiques : son avantage relatif (non seulement en termes de prix ou de bénéfices escomptés mais aussi de prestige ou de distinction) ; sa compatibilité avec les valeurs du groupe d’appartenance et les expériences antérieures (héritage, savoir-faire, habitudes) ; sa complexité (plus ou moins grande difficulté à la comprendre et à l’utiliser) ; son « essayabilité » (trialability : possibilité de la tester et de l’expérimenter) ; et enfin, sa visibilité (disponibilité à être observée et évaluée en fonction de résultats). De leur côté, les usagers sont classés en cinq profils types selon la façon dont ils se placent sur l’échelle temporelle de la diffusion : les « innovateurs » (innovators) ; les « adoptants précoces » (early adopters) ; la « majorité précoce » (early majority) ; la « majorité tardive » (late majority) ; les « retardataires » (laggards).

La démarche consistera non pas à mesurer l’acceptabilité ou la plus ou moins grande «résistance» au changement des viticulteurs mais : 1) d’une part à comprendre leur mode de représentation : en quoi leurs rapports à la terre et à la nature, à la vigne et à sa temporalité, à l’héritage et à la fidélité conditionnent leur perception de ce «qui va de soi» dans leur métier.  2) d’autre part à mesurer l’idée qu’ils se font du changement climatique et de ses incidences, des effets à moyens termes sur les sols et vignes de l’utilisation des produits phytosanitaires, des conséquences du tournant écologique d’une partie grandissante de la population.

Le but est de repérer et de rendre compte des tensions, oppositions ou au contraire confluence entre ces perceptions et représentations. Ce sera l’essentiel de la fonction du Post doctorant,  Puis il s’agira de passer d’une sociologie interventionniste auprès des viticulteurs (visant à repérer et à rendre compte des tensions, oppositions ou au contraire confluence entre leurs perceptions et représentations du métier de viticulteur d’une part, et celles des urgences climatiques et écologiques d’autre part) à une sociologie « permanente » (visant à les accompagner dans les processus de transition auxquels ils auront décidé de participer). Ici, l’ensemble de l’équipe du laboratoire Passages pourra intervenir aux côté du post doctorant.

Objectifs/originalité du projet

L’originalité du partenariat provient essentiellement de la proposition des Vignerons de Buzet de se situer dans une démarche de recherche/action assez novatrice pour les laboratoires du secteur à l’UPPA. L’objectif est de faire appel à la recherche en SHS pour accompagner la structure coopérative dans une dynamique de construction et déploiement d’un projet de développement économique respectueux de l’environnement autour de sites expérimentaux, en intervenant directement auprès des viticulteurs. La démarche raisonnée choisie vise à placer les coopérateurs au cœur d’une stratégie d’entreprise reposant sur l’innovation (ce qui relève d’ailleurs de son histoire et de sa culture comme l’ont montrées les études menées depuis 2014 par les chercheurs d’ITEM).

L’originalité se situe donc dans cette démarche d’accompagnement sollicitée ici qui vise à accroître cette dynamique d’innovation par un aller/retour permanent entre direction de l’entreprise et vignerons coopérateurs via la médiation des chercheurs, autour d’un mode opératoire collaboratif de recherche action, tant en sociologie comportementale qu’en histoire (par le biais de la démarche mémorielle et patrimoniale). Il s’agit pour l’entreprise, et surtout pour ceux qui la composent, dans le cadre coopératif, de mieux comprendre les nouvelles pratiques et de s’en distancier par le biais d’un regard externe.

 Le rôle de chercheurs, sera non seulement de comprendre l’entreprise et les coopérateurs par des processus de recherche fondamentale classique, mais aussi de se rendre médiateurs distanciés dans le domaine de l’action menée avec les vignerons. La principale difficulté résidera dans la création du lien entre les chercheurs et les vignerons. La création d’une relation de confiance paraît ici indispensable dès les premiers mois de l’étude de terrain. En ce sens, la démarche patrimoniale, menée autour du château de Buzet récemment acheté par l’entreprise, conçu comme espace de valorisation de la culture d’entreprise et comme lieu de médiation entre le passé lointain, l’histoire de la coopération et le futur en construction, servira de point d’ancrage du dialogue au fil des mois. Il a aussi pour but de porter un regard sur l’ensemble du territoire dans la longue durée.

Les résultats attendus seront mesurés au fil des semaines par le biais de séminaires de formation auprès des viticulteurs faisant intervenir les chercheurs impliqués. En outre, les résultats seront le fruit de publications scientifiques régulières classiques (revues notamment). Pour le château plus spécifiquement, outre des recherches attendues sur son espace et son environnement immédiat qui donneront lieu à des livrables pour l’entreprise (rapports, expositions) et publications, les chercheurs accompagneront le processus de revalorisation de l’espace (diagnostic patrimoniaux). Dans les deux disciplines, des conférences seront aussi proposées.

Dans une perspective à N+3, un essaimage de l’expérience –si elle s’avère positive- sera proposée toujours en lien avec les Vignerons de Buzet vers d’autres vignobles du Sud-Ouest, et un partenariat potentiel avec l’ISVV (Institut Supérieur de la Vigne et du Vin à Bordeaux), pourrait être développé.  En outre, dans le cadre de la recherche expérimentale, une fois la vigne expérimentale en croissance, il sera fait aussi peut-être appel –dans la mesure des attentes de l’entreprise- aux laboratoires du domaine STEE de l’UPPA pour des expertises ponctuelles (le domaine du retraitement de l’eau par exemple).