Cahier d'histoire immédiate n°52Les contre cultures en Europe et aux Etats-Unis (1945-1991)
Sous la direction de Laurent Dornel
Parution chez Cairn Editions.
Qu’apporte le concept de contre-culture? En quoi, malgré ses limites, est-il pertinent ? Les différentes contributions présentées ici proposent des réponses nuancées mais argumentées. Certes, la contre-culture désigne des mouvements par essence transnationaux et constitue le pendant obligé de la culture de masse née comme elle au cours des sixties. Aux Trente Glorieuses correspond ainsi, selon Arthur Marwick, une « révolution culturelle » caractérisée à la fois par l’affirmation d’une consommation culturelle de masse et par sa critique radicale. Mais tous les mouvements contre-culturels présentent des spécificités.
Caroline Moine (“Médias et contre-cultures en Allemagne de l’Ouest: logiques nationales et dynamiques transnationales”) souligne la précocité du mouvement contestataire en Allemagne, ses emprunts au répertoire anglo-saxon, mais en montre la spécificité. En effet, la contre-culture allemande s’affirme dans un pays encore tourmenté par les fantômes du nazisme qui refuse parfois de manière ambiguë le modèle américain ; sous l’effet notamment de la répression d’État, elle se radicalise à partir de 1967 jusqu’à faire siennes les méthodes du terrorisme, avant d’éclore en une multitude de propositions culturelles, sociales et politiques alternatives.
Claude Chastagner (“Atlantic Crossings: les circulations contre-culturelles au sein de l’aire anglophone, 1960-1970″), insiste sur les circulations contre-culturelles au sein de l’aire anglophone. S’il est communément admis que l’impulsion contre-culturelle fut étatsunienne, il ne faut pas oublier que certains mouvements contre-culturels sont antérieurs au grand mouvement américain, tel cet acte majeur de désobéissance civile en 1958, à Trafalgar Square, à Londres, au cours duquel 60 000 à 100 000 manifestants composés d’étudiants et de pacifistes convergent dans l’une des premières manifestations anti-nucléaires contre la bombe atomique. Claude Chastagner s’attache ainsi à analyser les circulations théoriques entre les États-Unis et la Grande-Bretagne mais également des pratiques politiques, sociales et artistiques contre-culturelles entre ces deux pays qu’unissait une « relation spéciale ».
La Movida, analysée par Magali Dumousseau Lesquer (“La transition culturelle du Madrid de l’après-franquisme. De la contre-culture du Rrollo au “label” Movida“), revêt elle aussi une dimension politique originale : véritable transition culturelle, elle accompagne, dans les années qui suivent la mort de Franco, un double processus de transition démocratique et d’intégration économique dans la Communauté économique européenne.
Jean-Luc Poueyto (“Contre-Culture ou industrie culturelle ?”), à partir de l’exemple du rock, propose quant à lui une réflexion sur les liens complexes entre contre-culture et industrie culturelle, soulignant notamment que la première peut s’affirmer comme le lieu de nouvelles pratiques culturelles populaires.
Pour finir, Stève Bessac-Vaure (“Le théâtre anarchisant d’Armand Gatti (1956-1969), une contre-culture?”), à partir de l’exemple du théâtre d’Armand Gatti, propose une réflexion sur la distinction entre contre-culture et avant-garde.